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HEIMAT

 

Jusqu’à présent, je vous ai parlé de personnes de qualité et d’autres présentant quelques défauts. Il est temps que je vous parle d’un individu vraiment ignoble. Vous ne l’aimerez pas, mais vous devez le connaître. J’ai mentionné son nom à propos du terrorisme, mais sans lui rendre justice. Dieu que j’aimerais lui rendre justice ! Le voir de préférence pendu au bout d’une corde. Malheureusement, il n’a pas été pendu.

Il s’agit de Beaupré Heimat, jadis général à deux étoiles dans le Haut Pentagone.

C’est lui qui persuada l’actuel mari de Klara que le seul moyen de faire régner la paix et la justice était de liquider un maximum de gens. Un de ses crimes parmi tant d’autres. Il essaya aussi une fois de me tuer. Peut-être même deux fois, car tout ne fut pas dit à son procès. Toujours est-il qu’avec moi, il avait échoué. Mais avec plusieurs centaines d’autres personnes, il avait été plus efficace. Heimat avait refusé de plaider coupable. Pour ce terroriste, il ne s’agissait pas de crimes mais de justice révolutionnaire. La cour, quant à elle, avait été d’emblée unanime. Il avait bel et bien commis des crimes et il avait été condamné à la prison à perpétuité pour chacun d’entre eux. Au total, Heimat fut condamné à demeurer sous les verrous huit mille sept cent cinquante ans. Il ne lui restait plus à présent que huit mille six cent quatre-vingt-trois années. Il pensait – avec raison – que sa peine ne serait pas réduite d’un seul jour, car même les félons avaient droit à être stockés sur machine. Ainsi, sa mort n’entraînerait-elle pas une annulation automatique de son châtiment.

 

Pour être franc, cela m’amuse de parler du général Beaupré Heimat. Cela me soulage. Après tout ce déploiement abrutissant d’immensité et d’éternité d’Albert, quelle détente de penser à un simple individu parfaitement méprisable !

Toutes les journées de Heimat se déroulaient à peu près de la même façon. Elles débutaient ainsi :

Quand il s’éveillait, un robot-lit, une femelle, était nichée contre son flanc. Il savait qu’elle ne dormait pas. Il savait aussi que ce n’était qu’une machine mais comme ces machines étaient quasiment sa seule compagnie, il avait cessé d’en tenir compte.

Tandis qu’il s’asseyait au bord du lit, elle s’éveillait, elle aussi, et se dressait sur son séant. Il la repoussait. Assez doucement en comparaison de la sauvagerie de la nuit, mais pas si doucement que ça car (malheureusement) la machine était musclée.

Ce jour-là, après l’avoir regardé s’habiller pendant un instant, elle lui demanda :

— Que vas-tu faire aujourd’hui ?

— Ma foi, un petit tour sur la plage, je crois, puis prendre un avion pour Los Angeles et faire sauter quelques buildings.

Il attendit une réponse mais n’en obtint aucune ; d’ailleurs, cela ne l’étonna pas. Ces femmes-là n’avaient aucun sens de l’humour, ce qui le désolait. Heimat aurait mieux apprécié sa vie s’il avait pu faire rire les robots-lits et plus encore s’il avait pu les faire pleurer de douleur. Les autorités lui donnaient des machines qui avaient l’apparence, l’odeur et la saveur des Humaines, mais qui étaient dépourvues de toute sensibilité.

Dans le corridor, le robot-garde fit un clin d’œil au général et murmura :

— Qu’en dis-tu de celle-là, Heimat ? Une bonne affaire ?

— Pas vraiment, répondit Heimat en s’éloignant. Je t’ai déjà dit que je préfère les blondes. Les petites jeunes. Fragiles, ajouta-t-il sans se donner la peine de tourner la tête.

— Je verrai ce que je peux faire pour ce soir, cria le robot-garde dans son dos.

Heimat ne répondit pas. Ah ! fragile, songeait-il. Une toute petite blonde fragile ! Bien vivante ! Une vraie Humaine, ses bras menus tout fracturés, la bouche tordue par un cri de douleur et… Pense à autre chose…

Heimat pensa à autre chose, non pas parce qu’il avait honte d’imaginer cela (Il y avait bien longtemps qu’il ne savait plus ce qu’était la honte.) mais parce qu’il bandait trop et qu’il eut peur que son visage ne le trahisse. La seule victoire qui lui restait était de ne jamais montrer ses sentiments.

La prison de Heimat se trouvait sur une île éloignée de tout continent et de toute grande ville. Elle avait été construite en vue d’abriter cent trente-huit condamnés à perpétuité et de les empêcher coûte que coûte d’en sortir.

Cet établissement était à présent trop vaste, car le seul survivant actif était Heimat. Dans le monde entier, il n’y avait même pas cent trente-huit condamnés à perpétuité. Leur recrutement avait considérablement diminué depuis la dure époque du terrorisme et de la famine. Bien sûr, çà et là, surgissait de temps à autre un « sociopathe », mais « les préconditions de crimes opportunistes », selon la terminologie d’Albert, étaient fort rares. Un grand nombre des ex-terroristes incarcérés avaient accepté depuis longtemps d’être transférés dans une colonie de travaux durs. Presque tous les autres avaient été réhabilités ou étaient définitivement morts. Heimat lui-même était un vieillard plus âgé que moi (cent trente ans, au moins). Bien sûr, il avait eu droit à la Médication Totale. Il pouvait encore durer une cinquantaine d’années en barbaque, car les prisonniers étaient rafistolés et remis en état aussi souvent que nécessaire. Quand ils mouraient, ce n’était pas de vieillesse, de maladie ou d’accident, mais presque toujours d’ennui pur et simple. Un beau matin, ils s’éveillaient en regardant autour d’eux, décidaient que « trop, c’est trop », et que le stockage ne pouvait être pire. À la première occasion qui se présentait, ils se tuaient.

Mais pas Heimat.

Le seul autre prisonnier barbaque vivant était un certain Pernetsky, un ancien maréchal soviétique, lui-même ex-terroriste. Après une tentative de suicide, il se trouvait pour l’heure en soins intensifs à l’hôpital de la prison.

Aller là ou ailleurs, quand on n’a pas de destination, revient au même. Heimat décida d’aller dire un petit bonjour à Pernetsky.

Personne ne l’en empêcha. À quoi bon ? Les transplants de Pernetsky étaient loin d’être cicatrisés et ses systèmes de survie le maintenaient ficelé à son lit plus fermement que des chaînes.

Heimat observa son dernier compagnon vivant, cloué dans son lit, des tubes plein les narines et de minuscules drains dans le corps.

— Eh bien, Pyotr, quand vas-tu te lever ? Ou est-ce ton dernier arrêt avant le Fichier des Morts ?

Le Russe ne répondit pas. Il n’avait pas proféré un son depuis des semaines. Seul le traître TRC, au pied de son lit, grâce à son tracé sinusoïdal régulier et parfois brisé, révélait qu’il était vivant, et même de temps à autre conscient.

— Tu me manques presque, dit Heimat, songeur, en allumant une cigarette sans tenir compte du panneau : « Attention ! Oxygène. Risque d’incendie. »

Un robot-garde s’approcha discrètement mais ne fit aucune remarque.

— Si tu te levais, je t’enlèverais cette ridicule tenue d’hôpital. On mettrait nos uniformes militaires et on pourrait jouer à la guerre. Tu te souviens quand tes missiles ont attaqué New York et Washington, et que j’ai anéanti tout ton système nucléaire d’attaque ?

Le patient demeura muet. Cela devenait lassant, à la longue.

— Eh bien, nous savions fort bien que les vainqueurs font toujours passer les vaincus en justice. Ce que nous avons pu être cons de perdre la guerre !

Au moment où Heimat s’apprêtait à repartir, le maréchal soviétique tourna imperceptiblement la tête et cligna d’un œil.

— Ah ! Pyotr ! s’écria Heimat. Mais tu les as bien eus !

Les lèvres du soldat s’entrouvrirent.

— La nuit dernière, susurra-t-il. Des hélico-camions. Découvre pourquoi ?

Puis il referma les yeux et les lèvres pour ne plus jamais les rouvrir.

 

Naturellement, aucun des robots n’allaient fournir à Heimat la solution. Il parcourut le complexe pénitentiaire dont les trois kilomètres carrés s’étendaient sur le flanc d’une montagne. Elle dominait une mer qu’aucun prisonnier ne pourrait jamais atteindre, la plupart des blocs cellulaires étaient fermés. Seuls, les bâtiments d’ingénierie continuaient à fonctionner. Mais leur accès était interdit à Heimat !

En revanche, il pouvait aller partout ailleurs. Il ne lui restait guère de choix.

La prison avait bien une ferme. Jadis, elle avait été exploitée par les détenus ; les robots-ouvriers les remplaçaient à présent. Mais il n’y vit pas la moindre trace des camions. Ni autour du plan d’eau.

Qu’avait donc voulu dire Pernetsky ?

Heimat se demanda s’il valait le coup d’aller consulter le Fichier des Morts. Il se trouvait dans un bâtiment isolé, juché dans les hauteurs, à la périphérie de la prison. Ce qui représentait une sacrée escalade. Or cela faisait un bout de temps qu’Heimat n’avait pas fait cet exercice.

Quand il en prit conscience, il décida d’y aller sur-le-champ. Et puis, faire un tour à la périphérie de la prison n’était jamais une mauvaise idée. Un jour, une erreur pouvait être commise et dans ce cas, il serait possible de…

De quoi ?

Heimat eut un ricanement amer. De s’évader, bien sûr.

Malgré les années, il n’avait pas perdu tout espoir.

Toutefois, Heimat n’espérait pas vraiment pouvoir s’évader. Ou du moins, ne pas être repris même s’il parvenait à sortir de cette forteresse. Avec tous les intelligents programmes d’ordinateur de surveillance disséminés à travers le monde, il serait vite reconnu, quel que fût son déguisement.

D’un autre coté…

D’un autre côté, songea Heimat, en prenant soin de garder un air totalement impassible au cas où un robot-garde le lorgnerait du coin de l’œil, d’un autre côté, un homme assez intrépide et courageux, un leader-né doté de charisme et d’autorité (un homme comme lui, en fait) pourrait facilement retourner la situation ! Pense à Napoléon à son retour de l’île d’Elbe ! Des armées surgissant de nulle part ! La foule des partisans venus le rejoindre ! Une fois libre, moi aussi je trouverai des partisans. Au diable leurs machines et leurs espions, le peuple me protégera !

Heimat n’en doutait pas une seconde. Il était profondément convaincu que la majorité de la race humaine était aussi arrogante et cupide que lui, et que son plus vif désir était qu’un leader lui affirme que la cupidité et l’arrogance étaient des comportements normaux, voire même admirables.

Mais d’abord, il fallait s’évader.

Un peu essoufflé, Heimat s’arrêta à un croisement des chemins. Cette escalade était difficile pour un homme de cent et quelques années, même si un grand nombre de ses organes étaient artificiels. (On lui en avait tellement remplacé qu’il avait cessé d’en tenir le compte.) Et le soleil cognait. Résigné, il observa les murs de la prison. À vrai dire, il n’y en avait pas. Une simple haie de buissons joliment entretenue mais truffée de capteurs, puis un terrain vide, une deuxième haie, tout aussi agréable à l’œil mais truffée de circuits paralysants, et enfin, juste au cas où, une troisième haie, mortelle, celle-là. Le feu major Adrian Winterkoop l’avait amplement démontré car c’était le moyen qu’il avait choisi pour se suicider. Une tentative réussie. (Du moins, il avait atterri dans le Fichier des Morts.)

Heimat soupira, emprunta le sentier gauche menant au Fichier.

Heimat ne s’y rendait pas souvent. Ce n’était pas un lieu qu’un prisonnier vivant aimait à visiter, car tout prisonnier vivant savait que, tôt ou tard, il mourrait et qu’il finirait dans le Fichier. Aucune personne sensée n’aime à contempler sa propre tombe.

Bien sûr, les cinq ou six mille incorrigibles stockés dans le Fichier des Morts n’étaient pas tout à fait morts. Comme le major Winterkoop, par exemple ; son analogue-machine avait pu être stocké, car un robot-garde avait trouvé son corps à temps… Non pas à temps pour le ranimer, mais avant que le rapide processus de décomposition n’endommage le contenu de son cerveau coléreux. Il était toujours aussi impulsif et téméraire que lorsqu’il avait été l’adjudant de Heimat, à son époque de gloire, et qu’ils utilisaient leurs postes pour semer la terreur dans le but de bâtir un monde nouveau et glorieux.

Mais, songea amèrement Heimat, nous sommes dans un nouveau monde, et ni lui ni moi n’y jouons aucun rôle.

Tandis qu’il s’approchait du bâtiment bas aux couleurs tendres, il songea un bref instant à demander l’accès à Winterkoop où à l’un des Morts, histoire de bavarder un peu pour se changer les idées. Seulement, ils avaient tous le moral à zéro. Jamais aucun d’entre eux ne quitterait le Fichier et depuis qu’ils étaient morts, pas un n’avait un tant soit peu changé.

Soudain, Heimat s’arrêta, bouche bée.

L’entrée principale des fournisseurs du bâtiment du Fichier des Morts se trouvait à la hauteur du coude que décrivait le sentier. Il avait toujours vu cette porte fermée. Or elle était ouverte. Juste devant deux camions posés au sol sur leurs ventres, leurs hélices silencieuses, tandis qu’une douzaine de robots-ouvriers s’affairaient à décharger des piles de matériel.

— S’il vous plaît, général Heimat, dit l’un d’eux dans son dos, ne vous approchez pas. Ce n’est pas autorisé.

— Ils sont arrivés la nuit dernière pendant que je dormais ! s’exclama Heimat en observant ce manège. Mais qu’est-ce que c’est ?

— Remembrement, répondit le robot-garde sur un ton d’excuse. La prison de Pensacola a été fermée et tous ses détenus sont transférés ici.

Heimat retrouva ses esprits. Première règle de sa vie de prisonnier : ne jamais montrer aux machines ce qu’il pensait ou éprouvait. Aussi se contenta-t-il de remarquer avec un sourire aimable :

— Il ne reste plus assez d’ennemis de la société pour que vous continuiez tous à avoir du travail. Tu as peur de perdre le tien ?

— Oh ! non, répondit sérieusement la machine. Nous serons mutés, tout simplement. Mais il n’y a que Pensacola qui a été fermée. Comme vous le voyez, général, nous hébergeons leurs cas.

— Ah ! oui, leurs cas ! fit Heimat avec un grand sourire en se demandant s’il valait la peine de tenter de détruire le robot-garde.

On lui avait donne l’apparence d’un jeune Polynésien. Des gouttes de sueur perlaient même sur sa poitrine lisse.

— Je présume que tous leurs cas iront dans le Fichier des Morts.

— Oh ! non, général. Il y en a un de vivant. D’après votre dossier, vous le connaîtriez. Cyril Basingstoke.

— Cyril Basingstoke ? s’écria Heimat en perdant son calme.

Cyril Basingstoke avait été l’un des principaux chefs terroristes ; il avait dirigé un réseau presque aussi important et aussi meurtrier que celui d’Heimat.

— Mais Basingstoke a été libéré sur parole, il y a un an. Je l’ai vu à la PV.

— Oui, général Heimat, répondit la machine en opinant du chef. Mais il a récidivé. Une fois libéré, il a tué trente-cinq personnes.

 

Comprendre, m’a-t-on dit, c’est pardonner ; je n’en crois rien.

J’estime que je comprends autant que faire se peut des types comme Heimat et Basingstoke. Comme tout terroriste de l’âge de pierre, ils semaient la mort par idéal et étaient convaincus que cet idéal justifiait leur bain de sang.

Toutefois, moi, ils ne m’ont jamais convaincu. J’ai vu un certain nombre de blessés. Essie et moi faillîmes faire partie du lot, lorsque les brigades de tueurs à gages d’Heimat firent sauter la boucle Lofström sur laquelle ils pensaient que nous étions. C’est pour cette raison que nous fûmes appelés à témoigner au procès de Heimat. Je l’ai bien observé, avec son port raide de militaire, dans le bloc des accusés. Le type même du général de division moderne, tout de blanc vêtu, l’air déterminé. Il écoutait avec une attention courtoise les témoins narrer par le menu comment, sous le couvert de son titre de général de division des forces de défense des États-Unis, il avait secrètement organisé les bandes de tueurs qui faisaient sauter les boucles de lancement, bousillaient les satellites, empoisonnaient les réserves d’eau potable et qui parvinrent même à voler un fauteuil à rêves afin de rendre dingo le monde entier avec des fantasmes de déments. Certes, il avait fini par être arrêté. Mais pendant dix ans, il avait berné tout le monde avec ses manières de militaire modèle lors des réunions où l’on discutait des mesures antiterroristes à prendre. Il avait fallu que des types comme Eskladar retrouvent la raison pour que, grâce à eux, la police établisse un lien entre les massacres, les bombardements et Heimat. Pour lui, il ne s’agissait pas de crimes mais d’une simple stratégie.

Le procès de Heimat fut pour moi une expérience insolite. J’étais décédé depuis peu et c’était la première fois que je me présentais en public dans mon corps holographique, avec le contenu de mon cerveau stocké dans l’espace gigabit. Une situation encore inhabituelle à l’époque et les avocats de Heimat tentèrent de m’écarter en tant que témoin, sous prétexte que je n’étais pas une « personne ». En vain, bien sûr. De toute façon, mon témoignage n’aurait guère eu d’importance étant donné que les témoins étaient légion.

Heimat, de toute évidence, se moquait de son sort. Il considérait son arrestation et son procès comme une mésaventure. Il se soumit avec cynisme et la tête haute au verdict de l’histoire, ne doutant pas une seconde de l’issue du procès. Mais quand je me retrouvai à la barre des témoins, il insista pour mener lui-même l’interrogatoire, malgré les vives protestations de ses avocats.

— Broadhead, tu oses m’accuser de trahison, toi qui t’es associé avec l’ennemi de la race humaine ! Nous n’aurions jamais dû parlementer avec les Heechees, mais les éliminer. Investir le noyau où ils se sont réfugiés et les abattre. Tous !

C’était là une performance incroyable. Quand enfin la cour le fit taire, il s’inclina courtoisement puis ajouta en souriant :

— Je n’ai plus rien à demander à cette espèce de bidule nommé Broadhead.

Il regagna sa place et écouta, toujours aussi fier et arrogant, la fin du procès.

Tel était Heimat. Cyril Basingstoke était pire encore.

La rencontre des deux monstres mis au rancart fut aussi ennuyeuse pour l’un que pour l’autre. Ils se connaissaient.

Heimat s’était empressé de retourner dans l’immense salle de loisirs. Basingstoke était déjà là. Il consultait, désœuvré, les catalogues PV afin de savoir quelles distractions offrait sa nouvelle prison. Ils échangèrent gravement une poignée de main, puis prirent du recul pour s’observer. Basingstoke était originaire de Curaçao. Il avait une peau très cuivrée, le même âge que Heimat (ou le mien), mais on lui aurait donné dans les quarante-cinq ans, grâce aux médecins qui avaient été aux petits soins pour lui.

— Comme c’est bon de te revoir, Beau, fit-il d’une voix chaude, profonde et amicale.

Et il jeta un coup d’œil par la fenêtre, vers le lointain lagon.

— C’est pas mal, ici, ajouta-t-il. Quand on m’a annoncé ou j’allais être transféré, j’ai imaginé que ce serait bien plus loin que ça. Sur la planète Aphrodite, par exemple, celle qui orbite autour d’une étoile si brillante que l’on ne peut vivre que dans des tunnels souterrains.

Heimat approuva, quoiqu’il y eût belle lurette qu’il ne faisait plus attention au lieu où il se trouvait. Se souvenant que dans un certain sens, il était l’hôte, il commanda des boissons au robot-serveur.

— Malheureusement, sourit-il, l’alcool est interdit.

— À Pensacola, aussi. C’est pour ça que j’ai été si content d’être libéré. Pourtant, si tu te souviens bien, je n’étais pas un gros buveur.

Heimat fit oui de la tête tout en l’examinant.

— Cyril ? dit-il d’une voix hésitante.

— Oui, Beau ?

— Tu as été libéré. Tu n’as pas tenu parole. Pourquoi as-tu tué ces gens ?

— Vois-tu, eh bien… (Basingstoke accepta poliment la boisson au gingembre proposée par la machine.) Ils m’avaient mis en colère.

— C’est bien ce que j’ai pensé, répondit sèchement Heimat. Mais tu savais qu’ils te remettraient sous les verrous.

— Oui, mais j’ai ma fierté. Ou mes habitudes. Je crois plutôt que c’est une question d’habitudes.

— On croirait entendre parler un juge, observa Heimat sur un ton sévère.

— Peut-être qu’un juge peut avoir raison à propos de gens comme toi ou moi, Beau. Rien ne m’obligeait à les tuer mais je n’étais pas accoutumé à la foule, tu comprends. On me poussait, on me bousculait pour monter dans un bus. Je suis tombé. Ils ont tous rigolé. J’ai aperçu un flic avec une mitraillette. Il rigolait aussi. Je me suis relevé et la lui ai arrachée des mains…

— Et tu as tiré sur trente-cinq personnes.

— Oh ! non, Beau. Ils étaient presque quatre-vingt-dix mais il n’y a eu que trente-cinq morts. Du moins, c’est ce qu’on m’a dit. (Il sourit.) Je n’ai pas compté les cadavres.

Heimat sirota sa boisson en silence tandis que Basingstoke fit passer des vues de la Martinique, de Curaçao et des îles Vierges.

— Magnifique, soupira-t-il. Je regretterais presque de les avoir tués.

Heimat éclata de rire en secouant la tête.

— Oh ! Cyril. Est-il vrai que nous ayons tué par habitude ?

— Par orgueil ou par principe, peut-être.

— Alors, nous ne serons jamais libérés ?

— Ah ! Beau, dit gentiment Basingstoke. Jamais. Tu le sais bien.

Heimat ne tint pas compte de sa réponse.

— Mais crois-tu qu’il est vrai que nous soyons incorrigibles ?

— Je ne crois… pas, répondit Basingstoke sur un ton réfléchi. Je vais te montrer quelque chose.

Il murmura deux mots aux contrôles. L’écran PV scintilla, puis apparut de nouveau un cliché de Curaçao.

— Tu vois, Beau, commença-t-il en s’installant plus confortablement, comme en vue d’une longue conversation, dans mon cas, c’est la fierté. Quand j’étais gosse, nous étions très pauvres, mais nous avions notre fierté. D’ailleurs, c’est tout ce que nous avions. Même pas de quoi manger à notre faim. Nous aurions pu ouvrir un snack pour touristes, mais tous les voisins en avaient déjà ouvert un. Cela ne nous aurait rien rapporté. Nous ne possédions que ce qui était gratuit : un soleil splendide, le sable fin, les jolis trilles des colibris, les palmiers. Mais pas de chaussures. Tu sais ce que cela veut dire être un va-nu-pieds ?

— Euh… Eh bien, tu vois…

— Non, tu ne le sais pas, sourit Basingstoke, parce que tu étais un Américain, et un riche Américain. Tu vois ce pont ?

Il désigna l’écran PV.

— Pas ce vilain pont suspendu. Mais celui sur pilotis avec les moteurs qui l’ouvrent et le ferment aux deux extrémités.

— Et alors ? fit Heimat qui, déjà, se demandait si un compagnon n’était pas encore plus ennuyeux que la solitude.

— Quand on n’a pas de chaussures, c’est une question de fierté. Je l’ai appris de mon grand-père.

— Écoute, Cyril, je suis heureux de te voir, de t’entendre, etc., mais dois-tu absolument…

— Patience, Beau ! Si tu as de la fierté, tu dois aussi avoir de la patience. C’est ce que mon grand-père m’a enseigne. Lui aussi était un descamisado un va-nu-pieds. Pour franchir ce pont, lorsqu’il venait d’être construit, il fallait payer un droit de péage. Deux cents. Mais seuls les riches devaient payer ce droit ; c’est-à-dire ceux qui étaient chaussés. Pour les va-nu-pieds, c’était gratis. Aussi les riches qui n’étaient pas des imbéciles retiraient-ils leurs chaussures ; ils les dissimulaient puis les remettaient, une fois parvenus sur l’autre rive.

Heimat commençait à être sérieusement agacé.

— Mais ton grand-père n’avait pas de chaussures !

— Non, mais il avait sa fierté. Comme toi. Comme moi. Aussi attendait-il qu’un riche à chaussures veuille également traverser le pont. Il lui empruntait ses chaussures afin de pouvoir payer ses deux cents et traversait le pont, les pieds chaussés, sauvant ainsi sa fierté. Comprends-tu ça, Beau ? La fierté coûte cher. Toi et moi, nous avons dû payer très cher pour sauver la nôtre.

 

Tout à l’heure, je ne voulais pas cesser de parler des enfants, car ils sont émouvants. Et à présent, je peux difficilement m’arrêter de parler de Heimat et de Basingstoke, mais pour des raisons tout à fait différentes. S’il y a des gens que je trouve exécrables, ce sont bien ces deux-là. Disons que c’est l’attirance de l’horreur.

Lorsque Cyril Basingstoke fut envoyé dans la prison de Beaupré Heimat, les enfants apprirent qu’ils allaient être évacués de la Roue. La nouvelle parut aux infos. Elle intéressa Basingstoke et Heimat. Ils étaient sans doute plutôt du côté de l’Ennemi, ce qui devait créer en eux un conflit. (Fierté de la race humaine ? Ressentiment envers la majorité de cette race qui les avait envoyés en tôle ?) Mais des conflits autrement importants les tenaillaient, notamment celui qui les opposait. Au fond, ils se fichaient éperdument de la société égalitaire des Humains.

En fait, ils se trouvaient réciproquement ennuyeux. Chaque fois que Heimat découvrait Basingstoke en train de rêvasser devant la PV qui passait des vues de Curaçao, de Sint-Maarten ou de la côte du Venezuela, il s’exclamait :

— Pourquoi laisses-tu ton esprit se rouiller ? Moi, je profite de mon temps d’incarcération. Apprends donc quelque chose ! Une langue, par exemple. Fais comme moi !

En effet, toutes les quelques années, il avait appris une nouvelle langue. À présent, il parlait couramment le mandarin, le heechee, le russe, le tamil, le grec classique et huit autres langues.

— Et avec qui les parles-tu ? demandait Basingstoke sans quitter des yeux les paysages tropicaux.

— Aucune importance. Ce qui compte, c’est de garder l’esprit vif !

Enfin, Basingstoke s’arrachait de l’écran pour regarder son compagnon.

— Et pourquoi ?

Si Basingstoke en avait marre de recevoir des leçons de Heimat, celui-ci en avait marre des interminables réminiscences de Basingstoke. Chaque fois qu’il commençait une histoire, le général en connaissait déjà la fin.

— Quand j’étais gosse… commençait le premier.

— Tu étais très pauvre, continuait le second.

— Oui, Heimat, très pauvre. Nous aurions pu vendre des casse-croûte aux touristes…

— Mais ce n’était pas un bon filon car tous vos voisins avaient déjà ouvert des snacks…

— Exactement. Aussi, nous, les gosses, parfois nous attrapions un iguane et cherchions à le vendre à un touriste. Aucun n’en voulait, bien sûr.

— Mais il arrivait que l’un d’eux l’achète par pitié.

— Oui. Ensuite on le suivait pour savoir où il allait le jeter ; on le ramassait et on le revendait.

— Et au bout d’un certain temps, vous le mangiez.

— Ma foi, oui. C’est très bon, on dirait du poulet. Je t’ai déjà raconté cette histoire ?

Donc, ensemble ils s’ennuyaient ferme. Mais ils découvrirent aussi qu’ils se tapaient réciproquement sur les nerfs. Basingstoke trouvait les habitudes sexuelles de Heimat révoltantes.

— Pourquoi faut-il que tu leur fasses mal, Beau ? De toute façon, ce ne sont pas des êtres vivants.

— Parce que ça me donne du plaisir. Les gardiens doivent prendre soin de mes besoins. Et c’en est un. Et puis, ça ne te regarde pas, Cyril. En outre, ça ne te gêne pas. Tandis que toi, les saloperies que tu manges empuantissent toute la prison.

— Mais c’est un de mes besoins, Beau, répliquait Basingstoke.

Il avait donné ses instructions aux robots-cuisiniers qui, naturellement, les suivaient avec obligeance. Heimat devait reconnaître que certains produits n’étaient pas mauvais. Il y avait un fruit à l’aspect horrible tout bonnement délicieux et quelques crustacés carrément divins. Quant au reste… Le ragoût à base de poivrons, d’oignons et de morue séchée avait à peu près la saveur et l’odeur de ce qu’on trouve dans les poubelles des restaurants de fruits de mer, à la fin de la nuit.

Heimat tenta d’éloigner un peu Basingstoke en lui présentant Pernetsky, mais le maréchal soviétique refusa obstinément d’ouvrir les yeux et de parler au nouveau venu. Une fois sorti de l’hôpital de la prison, Basingstoke demanda :

— Mais pourquoi fait-il ça, Beau ? Il est certainement conscient.

— Je crois qu’il mijote des idées d’évasion. Peut-être s’imagine-t-il qu’en continuant à jouer les comateux, on le transférera dans un autre hôpital d’où il pourra tenter de s’évader.

— Pour ça, il peut toujours courir.

— Je sais, fit Heimat en jetant un regard circulaire. Et si on explorait encore le territoire, aujourd’hui ? Qu’en dis-tu, Cyril ?

Basingstoke abaissa son regard vers le lagon qui scintillait au loin, et au-delà vers l’immense Pacifique. Puis, désenchanté, il le ramena sur le centre de loisirs. Mais si Heimat avait refusé catégoriquement de regarder encore des photos avec lui, il demeurait toujours un auditeur.

— Oh ! pourquoi pas ? C’est quoi, ces bâtiments près du rivage ?

— Une école, je crois. Et là, il y a un petit port. Ils ont asséché le lagon pour que de petits bateaux puissent accoster.

— En effet, je vois le port. Nous en avions un comme celui-là à Curaçao, à quelques kilomètres du grand. Il était réservé aux esclaves, Beau. Dans le temps, lorsqu’on amenait des cargaisons d’esclaves, on évitait de les faire défiler à travers la ville. C’est pourquoi on les faisait débarquer un peu à l’écart…

— Dans le port aux esclaves, conclut Heimat, où avaient lieu les ventes aux enchères. Je sais… Allons voir la ferme aux bébés.

— J’ai horreur de ce genre de choses ! ronchonna Basingstoke. (Comme Heimat s’éloignait sans lui, il ajouta :) Mais je viendrai quand même avec toi.

 

La ferme aux bébés se trouvait à la limite de la prison. Cette enclave séparée par une barrière possédait une prairie verte où paissaient quelques vaches splendides. Les prisonniers n’étaient pas autorisés à y pénétrer.

L’indignation de Basingstoke amusait Heimat.

— C’est décadent, Beau ! marmonnait-il. Ah ! comme je regrette que nous ayons échoué ! Si nous avions imposé notre volonté, nous les aurions obligés à oublier ce scandale. Nous les aurions fait hurler à nouveau.

— Nous l’avons fait.

— Oui, mais encore plus. L’idée qu’un fœtus humain se développe dans la matrice d’une vache me révolte. Quand j’étais tout petit…

— Peut-être, coupa Heimat qui ne voulait pas entendre la suite, peut-être que si tu étais une femme, la naissance extra-utérine ne te révolterait pas. Porter un enfant impose une certaine souffrance.

— Bien sûr qu’elles souffrent ! Et pourquoi ne souffriraient-elles pas ? Nous avons bien souffert, nous. Quand j’étais gosse…

— Oui, je sais comment c’était quand tu étais gosse, rétorqua Heimat sans parvenir à empêcher son compagnon de rabâcher la même histoire.

La brise fraîche montant de la mer tempérait la chaleur. L’odeur du bétail parvint faiblement aux narines de Heimat. Dans la prairie, les robots-éleveurs prenaient la température des bêtes et contrôlaient l’état de santé de ce qu’elles portaient.

À vrai dire, songeait Heimat, le principe des vaches-porteuses est une bonne chose. Procréer est toujours positif. Si ma vie sexuelle va dans un tout autre sens, cette pratique se comprend pour un couple qui souhaite fonder une famille. (Heimat était assez large d’esprit pour admettre que la majorité des gens cherchaient leur plaisir en se papouillant joyeusement.) Et pourquoi le plaisir devrait-il se terminer dans la souffrance pour l’un des partenaires ? Il est si facile de retirer l’ovule fécondé ! Il contient déjà tout ce qui lui est nécessaire. Les spirales d’ADN se sont déjà séparées et recombinées. L’hérédité est fixée. Le maître queux, si on peut dire, a préparé tous les ingrédients du soufflé. Il ne manque plus qu’un four chaud où il pourra monter. Et il n’est pas nécessaire que ce four soit humain. Tout mammifère d’une taille égale ou supérieure à une Humaine fait l’affaire. En l’occurrence, les vaches sont parfaites.

Cette ferme aux bébés possédait peu de vaches, car il ne restait sur l’île qu’un petit nombre de familles ayant besoin de recourir à leurs services. Heimat en compta dix-huit en tout. Dix-huit vaches-porteuses qui broutaient paisiblement, tandis que les robots-éleveurs enfonçaient des thermomètres et lorgnaient dans leurs oreilles.

— Ce que c’est dégoûtant, souffla Cyril Basingstoke.

— Mais non. Pourquoi ? Elles ne se droguent pas, ne fument pas, ne font rien qui puisse mettre en danger la vie des bébés. Si nous avions remporté la victoire, j’aurais institutionnalisé ce système.

— Pas moi, plaisanta Basingstoke.

Ils échangèrent un sourire, comme deux vieux gladiateurs se pourléchant à l’idée du combat final qui jamais ne pourrait avoir lieu.

Sacré vieux pote, va, songeait Heimat. Toi aussi, il aurait fallu finir par t’éliminer… si la révolution avait réussi.

— Beau ? s’exclama Basingstoke. Regarde !

L’une des mères mugissait de détresse. On lui prenait sa température, mais apparemment le robot-éleveur avait mal placé le thermomètre. D’un mouvement de croupe, la vache se libéra, s’éloigna un peu, puis se remit à brouter.

— La machine ne bouge pas, observa Heimat, perplexe.

Basingstoke regarda les quatre ou cinq robots-éleveurs dans la prairie, puis les robots-jardiniers au sommet de la colline et les lointains robots-ouvriers sur les sentiers. Tous demeuraient figés. Même les hélices des hélico-brouettes avaient cessé de faire du bruit.

— Aucun d’entre eux ne bouge, Beau. Ils sont tous morts.

 

Le pâturage de la ferme aux bébés se trouvait à l’extrémité la plus basse du complexe pénitentiaire. La pente en contrebas se transformait en ravin. Heimat le contempla en faisant la grimace. Quand on est un vieillard, on est un vieillard, quel que soit le nombre de vos organes artificiels et le degré de recalcification de vos os.

— Si nous descendions, on n’aurait plus qu’à remonter, dit-il.

— On y va, vieux ? souffla Basingstoke. Juste pour un coup d’œil.

— Ce n’est qu’une panne de courant momentanée, murmura Heimat. Dans un instant, ils refonctionneront.

— Oui, et nous, on n’aura pas profité de cet instant.

— Mais Cyril, en supposant que les unités mobiles soient aussi hors service, les barrières sont toujours là.

Basingstoke dévisagea longuement son compagnon. Sans prononcer un mot, il tourna les talons, souleva un des fils barbelés qui clôturaient le pâturage et plongea dessous.

Heimat l’observa, irrité. Les gardes allaient accourir bientôt, c’était certain. Et même si cette panne durait assez longtemps pour qu’ils aient le temps de traverser le pâturage, ce qu’il avait dit à propos des barrières tenait toujours, peut-être. Ce n’étaient pas les gardes qui retenaient les détenus, mais l’enclos doté d’un système électronique sophistiqué. Son action se déroulait en trois temps : douleur, paralysie, mort. Il était difficile de franchir la première barrière, quasiment impossible de franchir la deuxième… et inutile aussi, en raison de la troisième. Heimat se dit que, n’ayant jamais tenté l’expérience, Basingstoke ignorait tout simplement ce qui l’attendait. Lui l’avait tentée. Il avait connu cette atroce douleur qui fait stopper le cœur ; il s’était retrouvé knock-out à la deuxième barrière et avait repris connaissance dans son lit, accueilli par le grand sourire d’un robot-garde.

Le fait que les robots soient en panne ne signifie pas que les barrières le soient aussi, se dit-il. Il est ravagé, Basingstoke.

Mais, tout en pensant cela, Heimat à son tour souleva le fil barbelé et traversa la prairie en courant. Il ne s’arrêta que le temps de flanquer un coup de pied à un robot pour s’assurer qu’il ne réagirait pas.

Il ne réagit pas.

À bout de souffle, il rejoignit Basingstoke à l’extrémité du complexe pénitentiaire. Les fils électrocutants se détachaient contre une rangée de jolis hibiscus et de cierges du Mexique.

Un robot-jardinier était affalé, immobile, contre l’un des cierges en fleur. Heimat lui cracha dessus, songeur.

— Le courant est coupé, vieux, souffla Basingstoke.

— Passe le premier, Cyril, dit Heimat en déglutissant. Je te ramènerai si tu es électrocuté.

Basingstoke éclata de rire.

— Oh ! Beau, quel héros tu fais ! Viens, nous passerons ensemble.

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